Paris, 20 novembre 2008
Dans
les noyaux des atomes, on trouve des protons et des neutrons. Ceux-ci
sont eux-mêmes constitués de quarks et de gluons, sortes de petites
sous-structures fondamentales. Or, la masse des gluons est nulle. Et,
contrairement à ce que l'on pourrait penser, la masse des quarks qui
composent un proton ne représente que 5% de la masse de ce dernier.
D'où proviennent donc les 95% restants ?
Une équipe de
physiciens français, allemands et hongrois vient de prouver que ces 95%
résultent de l'énergie due aux mouvements des quarks et des gluons, et
à leurs interactions. Une masse issue d'une énergie, c'est un résultat
quelque peu déroutant, pourtant traduit par la célèbre formule
d'Einstein E=mc2 énonçant l'équivalence entre masse et énergie.
Jusqu'ici hypothèse, ce résultat est pour la première fois corroboré.
Les
chercheurs, pilotés en France par Laurent Lellouch, directeur de
recherche CNRS au Centre de physique théorique, se sont appuyés sur
plus de vingt ans de recherches effectuées par des physiciens du monde
entier. Partant des équations de la chromodynamique quantique (2),
c'est-à-dire la théorie qui décrit les interactions fortes, ils sont
parvenus à calculer la masse des protons, des neutrons et autres
particules du même type (3). Résultat, les masses obtenues par le
calcul sont en excellent accord avec celles mesurées expérimentalement.
Les chercheurs confirment ainsi que le modèle standard est correct pour
décrire l'origine de la masse de ces particules et donc celle de plus
de 99% de l'univers visible, comprenant le Soleil, la Terre, nous-même
et tous les objets qui nous entourent.
Pour parvenir à leurs
fins, les chercheurs ont utilisé une approche où l'espace-temps est
envisagé comme un réseau cristallin à quatre dimensions, composé de
sites espacés le long de rangées et de colonnes. Leur principal défi
était d'arriver à une solution qui corresponde à notre espace-temps
continu, tout en contrôlant toutes les sources d'incertitudes liées aux
calculs sur réseau. Sur le plan pratique, ce travail marque l'arrivée à
maturité de méthodes numériques pertinentes pour l'étude des
interactions fortes. Il devrait jouer un rôle fondamental dans la
nouvelle ère de la physique qui s'ouvre avec le Large Hadron Collider.
En effet, contrôler le modèle des interactions fortes pourrait
permettre de mettre en évidence de nouveaux effets liés aux
interactions faibles de quarks qui sont masqués par les interactions
fortes.
Ce calcul s'avère l'un des plus importants calculs numériques effectués à ce jour. Une véritable performance qui a requis les ressources des supercalculateurs Blue Gene de l'Institut du développement et des ressources en informatique scientifique (IDRIS) du CNRS et du Forschungszentrum Jülich, mais également des fermes de calcul de l'Université de Wuppertal et du Centre de physique théorique de Marseille.
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(1) CNRS / Université de la Méditerranée / Université de Provence / Université de Toulon
(2) D'après cette théorie du modèle standard, les quarks sont confinés
dans les particules qu'ils constituent et possèdent une propriété
nommée "couleur" bleue, verte ou rouge, analogue à la charge électrique
de la force électrostatique.
(3) Cela comprend des "hadrons légers" qui sont des particules
composées de quarks et de gluons (telles les protons et les neutrons).
Ab-initio Determination of Light Hadron Masses. S. Dürr, Z. Fodor, J. Frison, C. Hoelbling, R. Hoffmann, S.D. Katz, S. Krieg, T. Kurth, L. Lellouch, T. Lippert, K.K. Szabo, G. Vulvert. Science. 21 novembre 2008.
Chercheur l Laurent Lellouch l T +33 (0)4 91 26 95 17 l lellouch@cpt.univ-mrs.fr, laurent.lellouch@cern.ch
Presse l Priscilla Dacher l T +33 (0)1 44 96 46 06 l priscilla.dacher@cnrs-dir.fr
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